97 heures 20 minutes est le temps du trajet direct entre la terre et la lune imaginé par Jules Verne. Se replonger dans les romans d’anticipation avant d’entreprendre devrait être la règle ; s’il est un roman qui n’échappe pas à cette règle c’est sans conteste « De La Terre à La Lune ». Relire ce roman s’est comprendre qu’une idée, aussi farfelue soit elle au moment de son énoncé peut par force de conviction et par excellence dans l’exécution du projet devenir une belle aventure. Rappelons le projet initial : envoyer un boulet sur la lune pour montrer la supériorité des balisticiens américains sur les autres experts du globe. Quel rapport avec le monde de nos startups ? L’aventure de Jules Verne comme les projets de nos startups sont des entreprises au sens premier comme au sens économique.
Consulter l’écosystème
Quand on est une bande de balisticiens désœuvrés, ennuyeux, en mal de guerre, mais néanmoins lucides, il est préférable avant de vouloir envoyer un boulet sur la lune de se renseigner sur la faisabilité de l’opération auprès de ses pairs ; c’est rapidement chose faite dans le cas du projet de Barbicane, qui à partir des informations des savants de l’observatoire astronomique de Cambridge va pouvoir établir les conditions de la réussite de l’exécution du projet : la position du canon, son orientation, la vitesse de propulsion initial du boulet. Bref la consultation de l’écosystème permettra de fixer les bases de l’exécution.
Ne rien laisser au hasard
Parmi les conditions de réussite, il y a celle-ci : « Le boulet devra être lancé le 1er décembre de l’année prochaine, à onze heures moins treize minutes et vingt secondes », au risque d’attendre 18 ans de plus pour retenter sa chance. Voilà une mission on ne peut plus précise. Le time to market est établi et implacable.
L’ensemble des hypothèses identifiées par les participants au projet sont dans la phase de cadrage du projet passées en revue : la taille du boulet, son poids, les matériaux, la poudre, la taille du canon … Les discussions sont âpres, mêlées de démonstrations contradictoires, de négociations raisonnées menées de main de maître par le Capitaine Barbicane.
L’ensemble des conditions de la réussite et les hypothèses permettent la retro-planification opérationnelle du projet et la construction de l’édifice à l’endroit idoine, le tout dans une course effrénée contre la montre.
Le capitaine est « peu chevaleresque aventureux cependant, mais apportant des idées pratiques jusque dans ses entreprises les plus téméraires »
Comment ne pas parler de la personnalité du capitaine, de sa facilité à collecter les avis, à les mettre en oppositions ou à trouver les piliers de la décision finale, entre management participatif et directif. Cette personnalité fait de ce personnage un exemple de navigation en eau trouble ou les aléas du projet se transforment en opportunité. Ses talents s’étendent sur la communication, particulièrement lorsque les détracteurs du projet s’attaquent au bien-fondé des hypothèses de son projet.
« Partez avec moi et venez voir si nous resterons en route »
Après plusieurs anicroches avec son principal détracteur (Nicholl), et plusieurs échange avec le frenchy tête brulée Michel Ardan, le capitaine accueille avec une grande tranquillité d’esprit l’idée de changer l’objectif de la mission en la transformant en un voyage à trois (Nicholl le détracteur, Barbicane et Michel Ardan, le frenchy tête brulée); Ce joli monde se laisse convaincre par le Frenchi « partez avec moi et venez voir si nous resterons en route ». Le pivot est rapidement opéré, et il n’en reste pas moins que certains tests sont incontournables : le premier est la bonne configuration de la machine et la capacité de cette dernière à permettre aux personnels naviguant de disposer d’oxygène. Le test et la validation de la bonne vie à bord du projectile est déterminante pour la suite des événements ; c’est J-T Maston, l’artificier de la bande qui s’y colle et qui restera dans le projectile pendant 8 jours accompagné d’une bonne dose de chlorate de potasse. Accueillir le changement de dernière minute plutôt que le combattre est de mise dans l’entreprenariat.
Les difficultés astronomiques, mécaniques, topographiques une fois résolues, est la question de l’argent ?
Amis entrepreneurs sauf si vous ne connaissez pas le crowd-funding, ne cherchez pas de réponse à vos problèmes de financement du côté de ce roman d’anticipation ; « Les difficultés astronomiques, mécaniques, topographiques une fois résolues, est la question de l’argent ». Barbicane choisit le financement participatif, ou souscription à partir de laquelle l’entreprise lèvera prêt de 5 Millions de dollars pour une opération pourtant purement désintéressée et dénuée de bénéfice.
Les objectifs d’une startup ont la particularité d’être versatiles tant que la bonne formule de la traction n’est pas atteinte. On voulait envoyer un boulet sur la lune et finalement on enverra une équipe d’observateurs. La phase continue d’exploration du marché et ses besoins et l’écosystème conduit naturellement la startup à changer sa posture pour s’orienter vers un nouvel objectif à plus forte valeur ajoutée pour le marché. Cette capacité à se réaligner est déterminante et en ce sens accueillir les changements de position de sa cible plutôt que de s’entêter sur un modèle initial sans faire preuve de discernement et d’agilité peut être destructeur. Une fois le cap fixé, Jules Verne nous explique que l’exécution d’un projet de création ne doit pas laisser de côté les fondamentaux de l’entreprenariat, et les entrepreneurs aguerris retrouveront à la lecture du roman les autres pièces du puzzle complémentaires à celles énoncées dans cet article : les compétences clés, les partenaires clés (il n’y a pas meilleur fondeur que l’usine de GOLDSPRING !), … ne cherchez pas les flux de revenus, ces derniers ne sont pas en dollars, en euros ou en bitcoin mais en unité de rêverie.